ASTROLOGIE SPECULUM

Les clefs cachées du Destin

Definition du SPECULUM

DEFINITION DU SPECULUM

 (extraite du Dictionnaire des Symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant aux éditions Robert Laffont/Jupiter)

 

Speculum (Miroir) a donné le nom de Spéculation : à l’origine, spéculer, c’était observer le ciel et les mouvements relatifs des étoiles, à l’aide d’un miroir. Sidus (étoile) a également donné Considération, ce qui signifie étymologiquement regarder l’ensemble des étoiles. Ces deux mots abstraits qui désignent aujourd’hui des opérations hautement intellectuelles, s’enracinent dans l’étude des astres reflétés dans des miroirs. De là vient que le miroir, en tant que surface réfléchissante, soit le support d’un symbolisme extrêmement riche dans l’ordre de la connaissance.

Que reflète le miroir ?

La vérité, la sincérité, le contenu du cœur et de la conscience : Comme le Soleil, comme la Lune, comme l’eau, comme l’or, lit-on sur un miroir chinois du musée de Hanoï, soit clair et brillant et reflète ce qu’il y a dans ton cœur. Ce rôle est utilisé dans les contes initiatiques d’Occident, dans le rituel des sociétés secrètes chinoises, dans le récit de Novalis, Die Lehrlinge zu Sals, dans le poème de Mallarmé :

O miroir !

Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelé

Que de fois et pendant des heures, désolée

Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont

Comme des feuilles sous ta glace au trou profond

Je m’apparus en toi comme une ombre lointaine,

Mais horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine

J’ai de mon rêve épars connu la nudité.  (Hérodiade)

 

Quoique sa signification profonde soit autre, le miroir est également mis en rapport dans la tradition nippone, avec la révélation de la vérité, et non moins avec la pureté. C’est aussi dans la même perspective que Yama, le souverain indobouddhique du royaume des morts, utilise pour le Jugement un miroir du Karma. Les miroirs magiques, s’ils ne sont, sous une forme purement divinatoire, que les instruments dégénérés de la révélation de la parole de Dieu, n’en possèdent pas moins une étonnante efficacité dans les diverses formes du Chamanisme – qui utilisent à cet effet le cristal de roche – et aussi chez les Pygmées d’Afrique. La vérité révélée par le miroir peut évidemment être d’un ordre supérieur : évoquant le miroir magique des Ts’in. Nichiren lui compare le miroir du Dharma bouddhique, qui montre la cause des actes passés. Le miroir sera l’instrument de l’Illumination. Le miroir est en effet symbole le la sagesse et de la connaissance, le miroir couvert de poussière étant celui de l’esprit obscurci par l’ignorance. La Sagesse du grand Miroir du Bouddhisme tibétain enseigne le secret suprême, à savoir que le monde des formes qui s’y reflète n’est qu’un aspect de la shûnyâtâ, de la vacuité.

Ces reflets de l’Intelligence ou de la Parole célestes font apparaître le miroir comme le symbole de la manifestation reflétant l’Intelligence créatrice. Il est aussi celui de l’intellect divin réfléchissant la manifestation, la créant comme telle à son image. Cette révélation de l’Identité et de la Différence dans le miroir est l’origine de la chute luciférienne. Plus généralement, elle est l’aboutissement de l’expérience spirituelle la plus haute. Ainsi, dans saint Paul (II, Cor 3, 18) et chez de nombreux spirituels chrétiens et musulmans. Le cœur humain, miroir reflétant Dieu, s’exprime par exemple chez Angelus Silesius ; le miroir du cœur reflète, chez les Bouddhistes, la nature du Bouddha ; chez les Taoïstes, le Ciel et la Terre.

 

L’Intelligence céleste reflétée par le miroir s’identifie symboliquement au soleil : c’est pourquoi le miroir est souvent un symbole solaire. Mais il est aussi un symbole lunaire, en ce sens que la lune, comme un miroir, reflète la lumière su soleil. Le miroir solaire le plus connu est celui du mythe japonais d’Amaterasu : le miroir fait sortir la Lumière divine de la caverne et la réfléchit sur le monde. Dans le symbolisme sibérien, les deux grands miroirs célestes reflètent l’univers, reflet que le chaman capte à son tour à l’aide d’un miroir. Le reflet de la perfection cosmique s’exprime également dans le miroir de Devi et, au second degré, dans celui des Sarasundari, qui sont ses messagères. Dans la tradition védique, le miroir est le mirage solaire des manifestations ; il symbolise la succession des formes, la durée limitée et toujours changeante des êtres.

Forme après forme, il a pris toute forme :

La forme propre on la trouve partout ;

Indra par ses magies, a maintes formes :

Mille coursiers sont attelés pour lui !

          (Rig Veda. Grhyasutra 1,6)

 

La réflexion de la lumière ou de la réalité n’en change certes pas la nature, mais elle comporte un certain aspect d’illusion (la saisie de la lune dans l’eau), de mensonge à l’égard du Principe. Il y a identité dans la différence, disent les textes hindous : La lumière se reflète dans l’eau, mais en fait ne la pénètre pas : ainsi fait Civa. Ainsi la speculation n’est-elle qu’une connaissance indirecte, lunaire. Par ailleurs, le miroir donne de la réalité une image Inversée : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas , dit la Table d’Emeraude hermétique, mais en sens inverse. La manifestation est le reflet inversé du Principe : c’est ce qu’expriment les deux triangles inversés de l’hexagone étoilé. Le symbole du rayon lumineux se réfléchissant à la surface des Eaux est le signe cosmogonique de la manifestation ; c’est Purusha agissant sur la passive Prakriti, le Ciel vertical sur la Terre horizontale. Toutefois, cette passivité, qui reflète les choses sans être affectée par elles, est, en Chine, le symbole de la non-activité du Sage.

Symbole lunaire et féminin, le miroir est encore en Chine l’emblème de la reine. Le miroir  prend le feu du soleil. Il est par ailleurs le signe de l’harmonie, de l’union conjugale, le miroir brisé étant celui de la séparation (la moitié brisée du miroir vient éventuellement, sous la forme d’une pie, rendre compte au mari des infidélités de la femme). L’animal nommé p’o-king ou miroir brisé est en relation avec les phases de la lune ; l’union du roi et de la reine s’effectue lorsque la lune est pleine, le miroir reconstitué en son entier.

L’utilisation taoïste du miroir magique est assez particulière : révélant la nature réelle des influences malfaisantes, elle les éloigne, elle protège contre elles. Aussi place-t-on, de nos jours encore, au-dessus de la porte des maisons, un miroir octogonal – qui est sans doute signe d’harmonie et de perfection dans le cas d’Amaterasu – est, en Chine, intermédiaire entre le miroir rond (céleste) et le miroir carré (terrestre). Le reflet de l’homme ne lui est pas seulement rendu par le bronze poli ou l’eau dormante ; témoin, ce texte des Annales des T’ang utilisé par Segalen : L’homme se sert de l’antiquité comme miroir. Au Japon, la Kagami, ou miroir, est un symbole de pureté parfaite de l’âme, de l’esprit sans souillure, de la réflexion de soi sur la conscience. Il est aussi symbole de la déesse solaire (Amaterasu-Omi-Kami).  Il y a un miroir sacré dans beaucoup de sanctuaires shintoïstes, comme il y a un crucifix dans les églises. C’est l’un des grands attributs du trône. Dans le Palais Impérial, le miroir sacré est conservé dans un bâtiment spécial.

L’emploi du miroir magique correspond à l’une des plus anciennes forme de divination. Varron dit qu’elle venait de Perse. Pythagore, selon une légende, avait un miroir magique qu’il présentait à la face de la lune, avant d’y voir l’avenir, comme le faisait les sorcières de Thessalie. Son emploi est l’inverse de la nécromancie, simple évocation des morts, car il fait apparaître des hommes qui n’existent pas encore ou qui accomplissent une action qu’ils n’exécuteront que plus tard (Gria, 334)

En vertu de l’analogie eau-miroir, on rencontre fréquemment l’utilisation magique, chez les Bambaras, par exemple, de fragments de miroirs dans les rites pour faire venir la pluie (Dieb)

Le miroir, de même que la surface de l’eau, est utilisé en divination, pour interroger les esprits. Leur réponse aux questions posées s’y inscrit par réflexion. Au Congo, les devins utilisent ce procédé en saupoudrant le miroir – ou la surface d’un bol d’eau – de poudre de kaolin ; les dessins de la poudre blanche, émanation des esprits, leur livrent la réponse (Fouc). En Asie centrale, les chamans pratiquent la divination par le miroir, en dirigeant celui-ci vers le Soleil ou la Lune, qui sont censés être eux aussi des miroirs sur lesquels se reflète tout ce qui se passe sur la terre (Hara, 130). En outre, les costumes chamaniques sont fréquemment ornés de miroirs, qui réfléchissent les actions des hommes ou encore protègent le chaman (pendant son voyage) contre les dards des esprits méchants. Après avoir chamanisé, le magicien doit parfois faire dans ces boucliers un nombre de rayures égal à celui des flèches qui les ont atteints (Hara, 348)

Le thème de l’âme considérée comme miroir, qui se trouve ébauché par Platon et par Plotin, a été particulièrement développé par saint Athanase et par Grégoire de Nysse. Selon Plotin, l’image d’un être est disposée à recevoir l’influence de son modèle, comme un miroir (Ennéades, 4,3). Suivant son orientation, l’homme en tant que miroir reflète la beauté ou la laideur. L’important consiste tout d’abord dans la qualité du miroir, sa surface doit être parfaitement polie, pure, pour obtenir un maximum de reflet. C’est pourquoi, selon Grégoire de Nysse, comme un miroir, lorsqu’il est bien fait, reçoit sur sa surface polie les traits de celui qui lui est présenté, ainsi l’âme, purifiée de toutes les salissures terrestres, reçoit dans sa pureté l’image de la beauté incorruptible. C’est une participation, et non un simple reflet : ainsi l’âme participe à la beauté dans la mesure où elle se tourne vers elle (Jean Daniélou, la colombe et la ténèbre dans la mystique byzantine ancienne, Eranos Jahrbuch, 1954, T0323, p.395 ; Régis Bernard, L’Image de Dieu d’après saint Athanase, Paris, 1952, p.75).

 

Le miroir n’a pas seulement pour fonction de refléter une image ; l’âme devenant un parfait miroir participe à l’image et par cette participation elle subit une transformation. Il existe donc une configuration entre le sujet contemplé et le miroir qui le contemple. L’âme finit par participer de la beauté même à laquelle elle s’ouvre.

 

Sous des aspects très divers, le miroir est un thème privilégié de la philosophie et de  la mystique musulmanes inspirées du néoplatonisme. On dit du miroir qu’il était le symbole même du symbolisme (MICS).

L’aspect numineux du miroir, c’est-à-dire la terreur qu’inspire la connaissance de soi, est caractérisé par la légende soufie du paon. Le miroir est l’instrument de Psyché (DURS) et le psychanalyse a mis l’accent sur le côté ténébreux de l’âme.

 

La notion néo-platonicienne des deux faces de l’âme, qui aurait un côté inférieur tourné vers le corps et un côté supérieur tourné vers l’intelligence (PLOE, 4, 88 et 3,43) a été utilisée par al-Ghazali et a exercé une grande influence chez les soufis.

 

Attar dit que le corps est dans son obscurité comme le dos du miroir ; l’âme est le côté clair du miroir (RITS, 187). A propos de ces deux faces du miroir, Rûmi explique que Dieu a créé ce monde, qui est obscurité, afin que sa lumière puisse être manifestée (Fihima Fihi, chap.59 et 17, trad. du persan  par E. Meyerovitch).

 

En vertu de la théorie du microcosme, image du macrocosme, l’homme et l’univers sont dans la position respective de deux miroirs. De même les essences individuelles se reflètent dans l’Etre divin, selon Ibn’Arabi, et l’Etre divin se reflète dans les essences individuelles.

Par ailleurs, le thème du miroir magique, permettant de lire le passé, le présent et l’avenir, est classique dans la littérature islamique. La coupe de Jamshid, roi légendaire de l’Iran, est en réalité un miroir. Elle symbolise à son tour le cœur de l’initié.

Le cœur étant symbolisé par un miroir – en métal, jadis -, la rouille symbolise le péché et le polissage du miroir sa purification.

 

Le miroir des fiancés, appelé Ayin-y Bibi Maryam Miroir de Notre Dame Marie, est encore utilisé en Perse, en Afghanistan et au Pakistan pour bénir la première rencontre entre le fiancé et l’épousée. Le miroir est suspendu sur le mur du fond de la salle de réunion ; les fiancés doivent entrer par deux portes opposées et, au lieu de se regarder directement l’un l’autre, ils doivent regarder de biais le miroir. Ce faisant, ils se rencontrent comme au Paradis, voyant leurs visages redressés (l’œil droit à droite), non inversés comme en ce monde (L. Massignon, dans Mardis de Dar-el-Salam, 1959, p.29 ; traduction d’un passage écrit directement en anglais par l’auteur).Cette faculté du miroir de redresser l’image devient ici symbole des choses, vues selon leur réalité essentielle.

 

Pour les Soufis, l’univers tout entier constitue un ensemble de miroirs dans lesquels l’Essence infinie se contemple sous de multiples formes ou qui reflètent à divers degrés l’irradiation de l’Etre unique ; les miroirs symbolisent les possibilités qu’a l’Essence de se déterminer elle-même, possibilité qu’elle comporte souverainement en vertu de Son infinité ? C’est là du moins la signification principielle des miroirs. Ils ont aussi un sens cosmologique, celui de substances réceptives à l’égard de l’Acte pur (BURS, 63).

 

Dans une autre acception, enfin, le miroir symbolise la réciprocité des consciences. Un hadîth célèbre déclare que le croyant est le miroir du croyant. Plus la face du miroir a été polie par l’ascèse, et plus il sera capable de refléter fidèlement ce qui l’entoure, et jusqu’aux pensées les plus cachées d’autrui. La littérature soufie abonde en exemples de cette capacité de reflet de l’homme purifié.


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